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il parait qu'il va faire beau, demain.
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il parait qu'il va faire beau, demain.
22 septembre 2009

comme de la buée dans les yeux

Je t'ai croisé samedi dernier, ça allait pas. Moyen moyen.
"ça va pas très fort"
Tu balances quelques belles paroles, pour rester dans les mémoires. Tu as toujours aimé raconter des histoires, souvent beaucoup trop longues d'ailleurs, et prendre le temps de trouver les bons mots. Mais là, c'est flag.
"il va se remettre dans la semaine"
On vous laisse là, tout les deux. Elle s'occupe toujours de toi, comme tous les jours depuis 61 ans. Le Dévouement. Ouais, avec un grand D, parce que ça se respecte.
Coup de fil des filles, mercredi soir. Tu vas vraiment pas très bien, ça serait bien que je passe te voir à l'hopital. Elle n'ose pas m'appeler, de peur de me déranger. J'te jure des fois... Je lui passe un coup de fil jeudi matin, surement un peu trop tôt. Sa voix est faible, à la fois inquiète et résignée. Interdiction de venir aujourd'hui.
"Non non non, tu vas en cours. Bonne journée ma chérie."
J'arrive vendredi midi à castel. Papa me rassure, un peu. Evidemment qu'il viendra avec moi. Oui, t'es en train de mourir. Mamie, ben... ça à l'air d'aller. Elle passe ses journées à tricoter et lire à coté de toi. Tu es dans le coma maintenant.
On arrive à l'hôpital, j'ai peur de ma réaction, j'ai peur de te voir, changé, et j'ai peur d'affronter son regard plein d'amour
et de tristesse.
On fait semblant de discuter, mais je ne trouve rien à raconter, et je suis fascinée par ce corps que je connais si bien, traversé de petits soubresauts dus à ta respiration, très rapide. Peut-être que j'hallucine, mais tu respire moins fort à chaque fois que je parle.
Et puis ça commence, pour de vrai. Peut-être que ça n'aura duré qu'une minute, peut-être une heure, mais le silence inquiet qui règne dans la pièce a volé la force qui fait que le temps s'écoule. Tu arrêtes de respirer, une première fois. Mamie te prend le bras, doucement, avec tant d'affection que je sens les larmes monter. Ce mécanisme qu'est la respiration repart, je ne sais plus si on a parlé. Et puis tout se précipite. Tu es mort, tes beaux yeux bleus tournés vers la fenêtre. Je ne crois pas ça possible. A un moment, je ne sais plus vraiment lequel, elle appuie sur le bouton qui sert d'alarme, mais personne ne vient. Quelques éternités plus tard, on va voir, papa et moi. "Je crois que J-P M est mort."
Elle s'est blottie contre moi, tu sais, même si les preuves d'affection ne sont jamais physiques dans la famille. Et elle a pleuré. Une fois. Rien qu'à cet instant. Personne d'autre ne l'aura vu pleurer de tout ce long weekend.
Les choses se déroulent, et je me noie dans l'organisation de l'enterrement -ton enterrement- et je m'aperçois que je ne suis plus une enfant.
L'enterrement s'est bien passé, d'ailleurs. J'ai ris et pleuré, comme tout le temps.
Et maintenant c'est comme si rien ne s'était passé, sauf que tu n'es plus là. Et elle est seule, entourée de ses fils et ses petit-enfants. Tellement forte, et tellement fragile en même temps.
Et je me fait bouffer par la peur. La peur de la voir partir, elle aussi, pressée de vous rejoindre, toi et votre fille, maman. Peur de ne pas me relever cette fois ci. Peur de voir papa retomber avec moi, de l'emporter dans mes inquiétudes. Peur de voir mes sœurs se déchirer chaque jour un peu plus, et peur de devoir servir de tampon, de médiateur, encore et encore. C'est le rôle de mamie avec ses propres sœurs.

Je suis terrifiée, et j'avance, persuadée que la douleur passera, jusqu'à la suivante.


Le cercueil est englouti dans ce trou béant. "Il est avec maman, ma chérie".

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